Louanges à Allah
Premièrement, le fait de dire O Muhammad! O Ali! peut être interprété de deux manières. La première consiste à dire qu’il s’agit de se représenter l’image de l’interlocuteur sans rien lui demander. C’est le cas de celui qui dit: « O Muhammad ! » puis se tait ou celui qui dit: « O Muhammad! Puisse Allah répandre Sa bénédiction sur toi. » Ceci ne constitue pas un chirk car il ne revient pas à invoquer un autre aux côtés d’Allah Très-haut. Cheikh al-islam Ibn Taymiyyah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit: « Le fait de dire: « O Muhammad , prophète d’Allah est une interpellation qui a pour
objectif de se représenter l’image de l’interpellé dans le coeur. Son auteur s’adresse à lui une fois présent dans son coeur. C’est comme le prieur qui dit : « salut , miséricorde et bénédiction à toi, o Prophète. » L’homme se retrouve souvent dans une telle
situation et s’adresse à un personnage qu’il se représente à l’esprit et qui n’est pas physiquement présent pour écouter son discours. » Extrait de Iqtidahh as-sirat
al-moustaquim li moukhalafati ashab al-djahim (2/319)
La
deuxième consiste à estimer
que cette interpellation comporte une demande claire exprimée en ces termes: « o Muhammd! Fais ceci ou cela pour moi » ou consiste encore à formuler une demande implicite comme
dans le cas d’une personne qui transporte un morceau
de pierre ou un objet lourd et dit: « o Muhammad! » C’est une manière de solliciter son secours. Ce qui revient à associer le sollicité à Allah Très-haut.En effet, invoquer un autre qu’Allah parmi les défunts et les absents
revient à les associer à Allah d’après les textes (sacrés) et le consensus. A ce propos le Très-haut dit: « Quel pire injuste, que celui qui invente
un mensonge contre Allah, ou qui traite de mensonges Ses signes? Ceux là auront la part qui leur a été prescrite; jusqu’au moment où Nos Envoyés [Nos Anges] viennent à eux pour leur enlever l’âme, en leur disant: «Où sont ceux que vous invoquiez en dehors d’Allah?» – Ils répondront: «Nous ne les trouvons plus». Et ils témoigneront contre eux-mêmes qu’ils étaient mécréants. » (Coran, 7:37) Il dit encore: « et n’invoque pas, en dehors d’Allah, ce qui ne peut te profiter ni te
nuire. Et si tu le fais, tu seras alors du nombre des injustes»» (Coran,10:106). Le transcendant dit ailleurs: «Quand ils montent en bateau, ils invoquent Allah Lui vouant exclusivement leur
culte. Une fois qu’Il les a sauvés [des dangers de la mer en les ramenant] sur la terre
ferme, voilà qu’ils [Lui] donnent des associés.» (Coran,29:65) Ici, l’association consiste à invoquer autre que Lui. Il dit encore: « Et quiconque invoque avec Allah une
autre divinité, sans avoir la preuve évidente [de son existence], aura à en rendre compte à son Seigneur. En vérité, les mécréants, ne réussiront pas. » (Coran,23:117). Voilà une disposition générale qui s’applique à toute personne qui invoque un autre qu’Allah. Peu importe qu’il appelle l’invoqué divinité ou seigneur ou saint ou pôle. Le terme ilaah désigne linguistiquement l’adoré. Celui qui adore un autre qu’Allah en fait son ilaah, même si il le conteste
verbalement. D’autres nobles et clairs versets abondent dans le même sens.
Al-Bokhari
(4497) cite dans son Sahih que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit: «Celui qui meurt alors qu’il invoque un autre en-dehors d’Allah quelqu’un qu’il considère comme son égal entrera en enfer. » .
Les
ulémas ont rapporté qu’un consensus s’était dégagé sur l’infidélité de celui qui désigne des intermédiaires entre lui et Allah qu’il sollicite et invoque. Ils n’ont reconnu aucune exception à cette règle ni pour le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) ni pour
un autre. Cheikh al-islam, Ibn Taymiyah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit: « Celui qui désigne les anges et les prophètes comme des intermédiaires (entre lui et Allah), les invoque, se fie à eux et leur demande de lui procurer des
avantages comme le pardon des péchés et la bonne orientation des coeurs, la dissipation des soucis et l’assouvissement des besoins ou de lui éviter des préjudices , celui-là est un mécréant de l’avis unanime des musulmans. » Extrait de Madjmou al-fatawa,1/124). Ce consensus a été rapporté par un nombre d’ulémas qui l’ont confirmé. Voir à ce propos al-fourou’ d’Ibn Mouflih, 6/166; al-insaaf, 10:327; kashshaaf al-quinaa,6/169; Mataalib ouli an-nouha,6/279.
Après avoir évoqué ledit consensus , l’auteur de kashshaf al-quinaa dit dans le chapitre sur l’apostasié: « c’est qu’il a agi à l’instar des adorateurs des idoles qui
disent : « nous ne les adorons que pour qu’elles nous rapprochent bien à Allah. »
Deuxièmement, on ne trouve ni dans le Livre ni
dans la Sunnah un élément permettant d’augmenter justement cette pratique
entachée de chirk ou à plus forte raison de la prêcher ou prôner. Comment pourrait-il en être autrement pour une chose dont Allah
a fait un chirk et une mécréance affirmée dans Son livre inaltérable! Comment pourrait-on rendre cela licite?
Ce
que vous avez évoqué à propos de la crampe au mollet d’un homme ne repose pas sur une chaîne authentique.
Et même si la chaine était authentique, le hadith ne saurait
servir d’arguent car il ne s’agirait que de se représenter l’image de l’interlocuteur. On n’y trouve aucune demande adressée à un autre qu’Allah. (On a déjà parlé exhaustivement de cette tradition dans le cadre de la réponse donnée à la
question n°
162967.
Troisièmement, le slogan O Muhammad!
ou O mon Muhammad n’a pas été scandé par les compagnons lors de leurs
batailles comme nous le verrons plus tard. A supposer qu’ils l’aient fait, il ne s’agissait pas de solliciter ou demander un secours. Car
aucune demande n’y apparait. C’est juste une interpellation employée en cas de souffrance. C’est comme si les musulmans l’employaient pour se remonter le moral et
regretter la perte du messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) . C’est dans le même sens qu’ils disaient : o mon islam pour s’apitoyer sur le sort subi par la religion. Cette
sorte d’interpellation s’exprime grâce à l’usage de la lettre waaw et de
la lettre yaa quand cela n’entraîne aucune confusion. C’est à propos de cette règle grammaticale qu’Ibn Malck dit dans son pèle de mille vert:
la waaw et la yaa sont à utiliser par celui qui exprime une
interpellation d’apitoiement
en cas de risque de confusion, l’usage de la waaw est à éviter.
Pour
al-Ashmouni, on utilise la waaw dans une interpellation d’apitoiement ou de détresse en disant par exemple: waa waladaah: o fils! yaa ra’saah: o ma tête! On peut aussi employer le yaa en disant yaa waladah:o fils ! yaa ra’ssah: o ma tête. Mais ce dernier usage n’est permis qu’en l’absence d’un risque de confusion.
Autrement
dit, il ne faut utiliser le yaa que quand son emploi ne prête aucune confusion. L’exemple en est donné dans ce vers:
« On t’a donné une importante charge que tu as bien supportée
car tu l’a gérée conformément à l’ordre d’Allah, ô Omar! »
Quand
on craint un risque de confusion, l’usage de la waaw s’impose. » Extrait de charh al-ashmouni sur al-alfiyyah d’in Malick (1/233) C’est comme cette parole prononcée par Fatimah lors du décès de l’Elu (Bénédiction et salut soient sur lui): « yaa Abataah adjaaba rabban da’aah (O père)!Tu as répondu à l’appel d’Allah. » Une autre version dit: «Waa abataah adjaaba rabban da’aah!(O père)!Tu as répondu à l’appel d’Allah. » (Rapporté par al-Bokhari
(4462). Anas a dit: « Quand la souffrance du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) commença à s’accentuer, Fatimah (PS) disait : waa karbaah: quel malheur pour moi. » A quoi l’agonisant répondit: « plus de chagrin pour ton père à partir de ce
jour. »
Quand il décéda, elle dit: waa abataah, adjaaba rabban da’aah man djannatil
firdawsi maa’waah,yaa abataah il djibril nan’aah: o père! tu as répondu à l’appel du Maître.Le paradis supérieur est ta destination. O père! Nous annonçons ton décès à Gabriel. » Une fois enterré, Fatimah (PS) dit: « Anas! Vous enterrez le Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) en
toute tranquillité?! »
Selon
la version d’Ibn Madjah (1630): « waa abatah, ilaa djibraila an’aah,waa abatah min rabbihii ma adnaa waa abataah, djannatoul firdawsi maawaa, waa abatah adjaaba rabban d’aaaou: O père! Nous annonçons ton décès à Gabriel! O père! Que tu es proche de ton Seigneur! O père, ta destination est le paradis supérieur. O père! Tu as répondu à l’appel de ton
Seigneur.» Ces paroles relèvent de l’interpellation exprimant la détresse et non la sollicitation d’un secours.
Al-Hafezh Ibn
Hadjar a dit: « En disant yaa abataah (o père!) elle fait comme si elle disait :yaa abii (o père!) car les points diacritiques ne font
que passer du haut en bas alors que la lettre alif donne une tonalité de détresse et permet de prolonger la haleine
et la haa marque la baisse de la voix. »Extrait de Fateh al-Bari (8/149)
Toujours est-il que l’usage dudit
slogan n’a pas été vérifié comme nous l’avons déjà évoqué.
Cheikh Salih Aal Cheikh (Puisse Allah le protéger) a dit dans une réponse: « Al-Hafez Ibn Kathir a dit que le slogan des musulmans lors de
la bataille de Yamamah était: O Muhammad. » Je dis: Ibn Kathir (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde a prononcé ces propos dans le cadre d’une long récit relatif à cette invasion. Des versions de différents informateurs s’y interfèrent. Quant au slogan (en question) Ibn
Djarir nous en parle dans Tarikh al-Moulouk (3/293) en ces termes: « As-Sari m’a fait parvenir un écrit reçu de Chouayb qui l’avait reçu de Sayf lui – même l’ayant reçu d’ad-Dhahak ibn Yarbou’ auquel il avait été transmis par son propre père qui l’avait reçu d’un homme du clan Souhaym… Puis il relate le récit comprenant le slogan.. Quant à moi, je dis que cette chaine est
obscure. A ma connaissance, les questions abordant le dogme et l’unicité d’Allah et les autres portant sur les dispositions de la charia ne
sont pas à chercher dans
les livres de l’histoire. Les récits historiques sont rapportés pour servir de leçons à méditer. On peut les retenir dans leur
ensemble et non dans leurs détails. C’est dans ce sens qu’Ahmad ibn Hanbal dit : « Trois sont sans fondement”…Plus loin il cite les récits portants sur les expéditions guerrières”
L’obscurité de la chaîne résultent de trois considérations.
La
première est que Sayf Ibn Omar est l’auteur des ouvrages al-Foutouh et ar-Riddah. Il y transmet des informations reçues d’un bon nombre d’inconnus. Adh-Dhahabi dit dans Mizan al-I’tidaal (2/255): « Moutayyin a rapporté de Yahya (à propos de Sayf): « il vaut moins qu’un sou! » Dawoud lui dit: « Il n’est rien. » Abou Hatim dit: « Il est abandonné. » Pour Abou Hayyan: « Il est accusé d’athlétisme. » Pour Ibn Ady: « La plupart de ses hadiths sont
contestables. »
La
deuxième concerne ad-Dhahhak ibn Yarbou’. Al-Azdi dit de lui: « Ses hadiths ne tiennent pas debout. Je
dis qu’il fait parti des inconnus auprès desquels seul Sayf a reçu des informations.
La
troisième est que Yarbou’ et l’homme issu du clan Souhaym sont des inconnus.
Chacune
de ces trois sources d’incertitudes et défauts affaiblit le hadith. Et que dire quand on sait que
seul Sayf ibn Omar , dont vous savez le statut, l’a rapporté? Nous demandons à Allah la paix intérieure.
On
ne s’étonne guère qu’Ibn Djarir raconte de telles histoires
peu sûres et que d’autres historiens les relaient. Ibn
Djarir (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) écrit dans l’introduction de son ouvrage intitulé Tarikh al-umam wal– moulok (1/8): « S’agissant de ce que l’on trouve dans mon présent ouvrage en fait d’informations reçues des anciens et susceptibles d’être mal reçues par le lecteur et inacceptable pour
celui qui l’entend puisque l’un et l’autre ne lui
trouent aucun fondement juste ni un sens vrai, que l’on sache alors que ce n’est pas à moi qu’il faut s’en prendre car je ne fais que rapporter ce que j’ ai reçu auprès d’autres comme il m’ a été transmis. » Extrait de Hadhihii mafaahiimounaa par Cheikh Salih Aal-Cheikh p.52.
Quatrièmement , la parole du Très-haut concernant les frères de Joseph:
« Ils dirent: «Ô notre père, implore pour nous la rémission de nos péchés. Nous étions vraiment fautifs». Il dit: «J’implorerai pour vous le pardon de mon Seigneur. Car c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux».
(Coran,12:97 et 98) est une demande d’invocation émanant d’un être vivant capable lui-même d’accomplir l’acte. Ce qui ne représente aucun inconvénient à l’avis de tous. Leur parole: « implore pour nous ….» signifie : demande le pour nous. Ils n’ont pas dit: “pardonne -nous “comme vous l’avez compris par erreur.
Des
arguments indiquent qu’il est permis de solliciter une invocation auprès de quelqu’un. Parmi ces arguments figure le long hadith d’Ouways al-Qarni selon lequel le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit à Omar: « ..Si tu peux lui demander de solliciter le
pardon (divin) pour toi, fais -le. » Omar se rendit auprès d’Ouways et lui dit: « Sollicite le pardon (divin) pour moi. » (Rapporté par Mouslim,2542)
An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde ) a dit: « Chapitre sur la recommandation de la
demande d’invocation auprès des vertueux même si le demande émanait de quelqu’un de plus vertueux que sa destinataire et sur
l’invocation effectuée en des endroits nobles » Sachez que les hadiths relevant de ce
chapitre sont trop nombreux pour être recensés. Ce qui est admis à l’unanimité. » Extrait de al-adhkaar,p.643.
Il découle de ce qui précède que le fait
de dire : O Muhammad (Bénédiction et salut soient sur lui) est en principe permis à moins qu’il ne s’agisse de formuler une demande explicite
ou implicite car dans ce cas ce serait du chirk.
Nous
vous en conseillons pas moins d’éviter le fréquent emploi d’une telle formule pour deux raisons. La première est qu’on pourrit penser du mal de vous et croire que
vous adressez une demande à un autre en dehors d’Allah. La seconde est que vous pouvez
finir par en avoir l’habitude et vous y livrer pendant vos travaux et chaque fois que vous avez besoin d’une assistance. Or vous devriez habituer
votre langue à Yaa Allah, yaa hayy, yaa Qayyoum, yaa dhal dhallal
wal ikram :
O Allah,O Le Majestueux et Généreux, O Le vivant O Le Celui qui dépend de Lui-même. » En effet, rien
n’est plus ennoblissant pour un fidèle serviteur que de solliciter son Maître et se montre humble en face de Lui
et de l’Invoquer dans tous ses états.
Cinquièmement, celui qui tombe dans le chirk et se repent obtient le pardon d’Allah selon ces
propos du Très-haut: « Qui n’invoquent pas d’autre dieu avec Allah et ne tuent pas la
vie qu’Allah a rendue sacrée, sauf à bon droit; qui ne commettent pas de
fornication – car quiconque fait cela encourra une punition et le châtiment lui sera doublé, au Jour de
la Résurrection, et il y demeurera éternellement couvert d’ignominie; sauf celui qui se repent, croit et
accomplit une bonne œuvre; ceux-là Allah changera leurs mauvaises actions en bonnes, et Allah
est Pardonneur et Miséricordieux. » (Coran,25:68-70)
Allah
le sait mieux.